

La vulnérabilité de leurs proches est l’une des principales préoccupations des Français. En France, 1,2 million de personnes souffrent de perte d’autonomie.
Face à cet enjeu sociétal, plusieurs réformes ont cherché à concilier protection, autonomie et solidarité familiale.
L’État a pleinement conscience de cette problématique : pas moins de quatre réformes majeures ont été menées en vingt ans, avec la volonté de limiter le rôle du juge, de permettre à chacun d’anticiper son incapacité et de favoriser la proximité parentale.
Il a d’abord été mis en place le mandat de protection future, qui permet à toute personne majeure d’organiser elle-même sa protection et de désigner son tuteur, évitant ainsi l’intervention du juge une fois l’incapacité reconnue.
À défaut d’anticipation, le législateur a choisi de faire confiance à la cellule familiale, en instaurant le régime de l’habilitation familiale.
Ce dispositif permet à un ou plusieurs proches désignés par la loi de représenter une personne dont les facultés sont altérées et d’agir en son nom pour la gestion de ses affaires.
Créé par la loi du 16 février 2015 et entré en vigueur le 1er janvier 2016, il est codifié aux articles 494-1 et suivants du Code civil.
La liste des proches compétents est limitative : conjoint, partenaire pacsé, concubin, enfant, petit-enfant, parent, grand-parent, frère ou sœur.
Le choix n’est pas étendu aux neveux et nièces, ce critère de proximité étant essentiel en raison du principe de l’intervention restreinte du juge.
Une fois l’habilitation prononcée, le juge n’intervient plus, sauf en cas de difficulté ou lorsqu’un acte nécessite expressément son autorisation.
La gestion du quotidien et la plupart des actes à caractère onéreux sont laissés à la libre appréciation de la personne habilitée.
Le rôle de la famille est aussi renforcé par la possibilité de nommer plusieurs proches pour exercer la mission de protection — il n’est pas rare, par exemple, de désigner deux enfants.
Cette approche permet de limiter les conflits familiaux futurs sur la gestion du patrimoine des parents.
L’habilitation familiale est particulièrement adaptée lorsque la décision d’officialiser la perte d’autonomie fait consensus et que des proches se portent volontaires pour jouer le rôle d’assistants.
Elle permet aussi de donner un cadre légal à une aide souvent exercée officieusement (accès aux comptes, décisions patrimoniales, démarches administratives…).
Lors de la mise en place de la mesure, le juge s’assure de l’adhésion de la famille et de l’absence d’opposition légitime.
Les personnes habilitées bénéficient ainsi d’un confort juridique et d’une reconnaissance officielle.
En cas de conflit ouvert, le juge privilégiera une curatelle ou une tutelle.
Il existe deux types d’habilitation :
Elle est donnée pour un ou plusieurs actes précis.
Les pouvoirs de la personne habilitée sont alors limités par le juge : la personne protégée conserve la capacité d’effectuer seule les actes non visés.
Ce dispositif permet un équilibre entre autonomie pour les actes du quotidien et protection pour les actes de disposition.
Elle est accordée pour une durée initiale maximale de 10 ans, renouvelable, et fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance.
En revanche, l’absence d’inscription obligatoire pour les habilitations spéciales peut poser des difficultés de sécurité juridique.
En présence d’une habilitation générale, la personne protégée perd sa capacité juridique.
Tout acte accompli seule dans le champ de l’habilitation sera nul de plein droit, sans besoin de prouver un préjudice.
En habilitation générale, les actes à titre onéreux (ceux comportant une contrepartie) peuvent être accomplis sans autorisation du juge.
Il s’agit notamment de :
En revanche, la vente du logement principal ou de la dernière résidence avant un placement en institution requiert l’accord du juge, afin de préserver le cadre de vie de la personne protégée.
Les actes à titre gratuit (testament, donation, assurance-vie) sont naturellement plus encadrés, car ils n’impliquent aucune contrepartie et relèvent d’une volonté personnelle.
La possibilité d’établir un testament dépend de l’état d’incapacité.
Quel que soit le régime (tutelle, curatelle, habilitation familiale), le testament reste un acte strictement personnel exclu des pouvoirs d’assistance.
Il suppose la pleine expression d’une volonté libre et consciente.
La donation — c’est-à-dire la transmission d’un bien sans contrepartie — n’est pas totalement interdite.
Les proches doivent apporter la preuve que le protégé souhaitait réellement effectuer la donation lorsqu’il en avait encore la capacité.
La charge de la preuve repose donc sur :
La décision du juge dépendra de ces éléments concrets, chaque cas étant particulier.
L’assurance-vie fait partie des actes à surveiller, notamment en raison de la désignation du bénéficiaire.
Lors de la demande d’habilitation, il est préférable de détailler les pouvoirs sollicités :
souscription, versements, retraits, arbitrages, modification de la clause bénéficiaire, etc.
Même un retrait partiel peut poser problème s’il réduit les droits du bénéficiaire initialement désigné.
Le risque de conflit d’intérêts est réel, puisque les personnes habilitées sont souvent les héritiers légaux.
Pour concilier les intérêts de tous, il est recommandé de saisir le juge pour autoriser des retraits mensuels justifiés et chiffrés durant la période d’incapacité.
Il est essentiel d’instaurer un cadre juridique clair pour les proches qui agissent au nom d’un parent devenu incapable.
Cela permet de sécuriser leurs démarches et d’éviter les conflits familiaux.
En France, environ 4,3 millions de personnes aident régulièrement leurs aînés, dont 2,8 millions au quotidien.
Leur offrir un dispositif simple, compréhensible et souple est une nécessité sociale.
L’habilitation familiale représente une réforme majeure : elle officialise le rôle des proches dans la gestion des biens et simplifie leur action.
Le juge est invité à privilégier ce régime par rapport aux autres formes de protection.
Pourtant, la saisine du juge pour constater juridiquement l’incapacité d’un proche reste souvent taboue.
Les familles hésitent, partagées entre la peur de déclencher un processus irréversible et celle d’être accusées de gérer sans cadre.
Le régime de l’habilitation familiale est alors une voie équilibrée :
il repose sur le consensus, l’implication familiale et un contrôle judiciaire limité, tout en maintenant une part d’autonomie à la personne protégée.